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sur la démocratie, le politique et l'institution du social
Claude Lefort est connu comme penseur du politique ; cet article interroge Lefort, toutefois comme penseur du social. Qu’est-ce qu’il veut dire par le social ? Quel rapport entretient-il avec le politique ? Et avec le symbolique ? Est-ce que la forme et le sens du social changent avec la révolution démocratique ? En répondant à ces questions, cet essai examine des textes clés de Lefort en ordre chronologique. Il montre que bien que Lefort retienne l’idée d’une « division sociale originaire », sa compréhension du social en démocratie se modifie. Ses écrits antérieurs sont plus « marxisants », au moins au sens qu’ils considèrent la société comme constituée par la division des classes sociales ; le politique doit représenter cette division, lui donner son sens et ses enjeux, tel que le social n’est complété qu’en trouvant une expression en termes politiques. Ses écrits ultérieurs sont plus tocquevilliens : le social démocratique est vu comme fondé sur l’égalité des conditions, considérée comme un événement symbolique irréversible marqué par la disparition d’un principe de différentiation et de hiérarchisation par « nature ». Mais même dans cette phase ultérieure, le social apparaît sans ses propres valeurs et finalités, de telle sorte que le déclin du conflit de classes ne peut que conduire à l’épuisement du politique et même à la « désymbolisation ». En essayant de penser le social à la fois pour et contre Lefort, cet essai demande si ce dernier n’a pas suffisamment distingué le social du politique et si son concept du social n’est pas suffisamment épaissi.